Derrière chaque école qui ouvre dans le réseau Excellence Ruralités, il y a les porteurs de projet, des bénévoles du territoire qui font sortir l’école de terre et en assurent le fonctionnement. Et, au commencement, il y a toujours aussi Paul-François Croisille, directeur du développement du réseau. C’est lui qui arrange les mille difficultés rencontrées sur le terrain lorsque l’on décide d’ouvrir un établissement scolaire.
Bonjour Paul-François Croisille. Vous êtes directeur du développement d’Excellence Ruralités. Comment êtes-vous arrivé ici ?
J’ai découvert Excellence Ruralités en 2017 lors d’une soirée de levée de dons et j’ai trouvé l’intuition géniale : offrir à la jeunesse des petites villes une formule éducative qui lui permette de pleinement développer ses talents. j’avais depuis longtemps en tête de changer de métier pour participer à cette mission. En 2021, je suis passé de l’intention à l’acte, pour ma plus grande joie. On sait que notre système éducatif n’y arrive plus très bien ; on sait aussi que cette jeunesse est trop peu dans les priorités des politiques publiques. J’ai voulu rejoindre une équipe qui montre que les solutions existent et qu’elles sont à portée de main, si on s’y met.
“La qualité et l’engagement de nos enseignants fera la différence” – Paul-François Croisille
Ça ressemble à quoi, une école Excellence Ruralités ?
C’est d’abord un lieu où les jeunes peuvent grandir heureux en intelligence, en maturité, en responsabilité. Un lieu où les membres de l’équipe éducative sont totalement engagés à tenir cette promesse. Car c’est avant tout la qualité et l’engagement de nos enseignants qui vont faire la différence. Nous leur donnons une double mission : être enseignants et éducateurs. Ils doivent transmettre les connaissances et développer les capacités intellectuelles, bien sûr, mais également développer les savoir être, les comportements qui permettront aux jeunes de devenir des adultes libres et responsables. Si vous venez dans une école de notre réseau, vous les verrez jouer dans la cour avec les élèves, ou partager leur déjeuner : dans ce temps où ils construisent une relation différente avec les jeunes, ils manifestent qu’ils cherchent le bien de chacun, et cette confiance construite leur permet d’exercer leur mission d’enseignant dans l’exigence.Dans les classes, les petits effectifs (pas plus de quinze élèves par classe) leur permettent d’accompagner de manière personnalisée la progression de leurs élèves. Enfin, c’est un lieu où parents et professeurs se voient à la sortie des classes, échangent régulièrement sur les progrès des enfants, et sur ceux qui restent à construire. Ils travaillent ensemble au bien des enfants.
Vous gérez au quotidien le développement de l’association et donc les projets d’écoles. Pouvez-vous nous faire un tour d’horizon de ces projets ? Combien y en-t-il, où sont-ils, à quel stade sont-ils ?
Oui, il y a de belles initiatives qui germent : notre prochaine ouverture sera à la rentrée 2025 à Etang sur Arroux, petite ville près d’Autun, en Saône-et-Loire : nous avons trouvé l’emplacement et la future directrice, et préparons activement les travaux, l’équipe enseignante et bientôt la communication vers les familles.
Un autre projet mûrit dans l’Orne, autour d’une équipe engagée qui recherche un local pour ouvrir un collège.
Deux autres porteurs, l’un dans le Cher, l’autre en Seine-et-Marne, souhaitent porter un projet dans une commune qu’ils connaissent bien. Ils cherchent à fédérer autour d’eux la petite équipe nécessaire au portage du projet. L’avancement de ces projets nous permet d’envisager de nouvelles ouvertures sur les prochaines années.
Des écoles ancrées dans un besoin réel
Quelles sont, en résumé, les grandes étapes pour monter une école ?
Le point de départ, c’est un porteur de projet : quelqu’un implanté localement qui prend l’initiative du projet et sa responsabilité.
Dans un premier temps, nous validons ensemble la réalité du besoin, à travers les statistiques disponibles (l’environnement socio culturel, les résultats au brevet, le taux de décrocheurs, le taux de jeunes sans diplôme…) et la nature des éventuelles difficultés connues des établissements locaux (climat scolaire, absentéisme des enseignants, niveau scolaire, …). Quand ce besoin est confirmé, il faut constituer une petite équipe de bénévoles qui va œuvrer à faire advenir l’école, puis, après à la soutenir – 4 à 5 personnes qui s’occuperont des travaux, de la communication, de l’administratif, de lever les dons nécessaires au fonctionnement de l’établissement. Une équipe qui s’engage sans autre objectif que d’œuvrer pour le bien commun.
Il faut ensuite trouver un local : plus difficile qu’il n’y paraît. Ancienne école qui a fermé, bâtiment administratif, ou terrain sur lequel on installera des constructions modulaires, plusieurs pistes à creuser, pour dénicher le site qui dispose des espaces nécessaires à la mission, et facilement accessible par les élèves et les familles. Quand ce local est identifié et sécurisé, on peut rechercher le directeur de l’établissement, doté d’une bonne expérience d’enseignement et de direction, recruteur et animateur de son équipe pédagogique, exigeant et bienveillant.
Dans les derniers mois avant la rentrée, il faudra faire connaître le projet aux familles auxquelles il s’adresse, finaliser le recrutement des professeurs éducateurs, équiper l’établissement pour qu’il puisse remplir sa mission… Pendant tout ce temps, je suis pleinement disponible pour aider l’équipe dans son organisation, dans ses choix et pour lui faciliter au maximum la vie : c’est ma mission !
Quelles sont les régions dans lesquelles nous aurions besoin en priorité de porteurs de projet ?
Nous avons réalisé une carte des petites villes à fort risque de décrochage scolaire – il y a en a plusieurs centaines, et nous aimerions porter des projets en Gironde, dans la Somme ou dans le Grand Est, pour déployer le modèle dans des environnements différents.
“La joie des porteurs de projets : savoir qu’ils agissent pour le bien des autres !” – Paul-François Croisille
Chaque école est mise en place par des porteurs de projets. Qui peut être porteur de projet ?
La caractéristique première des porteurs de projet, c’est l’engagement : ils veulent aider leur « territoire » (comme on dit aujourd’hui), contribuer à faire advenir un mieux. Leur joie, c’est de savoir qu’ils auront rendu service ! C’est une mission associative, pour laquelle ils s’engagent sur le temps disponible après leurs engagements professionnels ou familiaux. Il leur faut également une capacité de trouver et d’animer autour d’eux la petite équipe que j’évoquais tout à l’heure. Il n’y a pas d’expérience préalable requise dans le domaine éducatif – le réseau Excellence Ruralités apporte cette compétence et accompagne sur la durée les différentes équipes.
Monter une école, ça paraît immense et presque infaisable, non ?!
Demandez à Claire et Jean-Emmanuel Poumailloux, porteurs de projet à Esse, en Charente : très pris par leur exploitation maraichère, leurs trois jeunes enfants, rien ne les prédisposait, apparemment, à se lancer dans un tel projet. Et pourtant, ils ont réussi à faire pousser, au milieu des tomates et des courgettes, avec l’aide de l’équipe fédérée autour d’eux, le Cours Aliénor, un établissement très apprécié qui, dès sa deuxième rentrée, a fait le plein de sa sixième, et qui l’année prochaine ouvre sa classe de troisième. Appelez-les ! Ou écoutez leur témoignage.