On n’arrive pas par hasard dans une école Excellence Ruralités ! Il y a 10 ans, Antonie a décidé d’opérer une reconversion professionnelle pour devenir institutrice. Depuis deux ans, elle est institutrice en primaire, au Cours Clovis. Entretien avec cette institutrice de CE2.
Qu’est-ce qui vous a amenée à venir enseigner au Cours Clovis, dans une école Excellence Ruralités ?
Après une formation en relation internationale et en droit, je suis partie faire du volontariat en Chine, où je donnais des cours de Français. Cette expérience m’a permis de me poser les bonnes questions et de concrétiser la volonté d’enseigner, que j’avais depuis longtemps en tête. Je me suis donc réorientée professionnellement et j’ai enseigné pendant cinq ans en classes primaires, dans un établissement de la banlieue parisienne. Désirant quitter la ville et les grands espaces urbains, j’ai commencé à regarder en direction de la province. C’est alors que j’ai croisé la route de Pierre-François Chanu qui m’a décidé à rejoindre l’aventure Excellence Ruralités en septembre 2021. J’ai commencé avec la classe de CP-CE1. Aujourd’hui je suis titulaire de la classe de CE2, un âge avec lequel j’aime beaucoup travailler.
“Je suis émerveillée de participer à la construction de l’intelligence de ces enfants”
Qu’est-ce qui vous a motivée et vous motive encore aujourd’hui dans l’exercice de votre métier ?
Le perpétuel renouvellement de l’émerveillement. Être professeur, c’est plus qu’un métier. Par sa dimension sociale, il porte en lui quelque chose de vocationnel qui demande une certaine passion et un engagement. Il faut être passionné pour transmettre. Et pour rester passionné, je crois qu’il faut cultiver l’émerveillement. Quand, arrivée à la fin d’une leçon, je vois les yeux de mes élèves pétiller de gourmandise, s’écriant « j’ai compris ! » ; quand pour répondre à une question posée, leurs bras se lèvent et s’étirent comme pour toucher le ciel tant la joie de savoir les saisit tout entier : je suis émerveillée de participer à la construction de l’intelligence de ces enfants. C’est un des plus beaux aspects de mon métier et l’une des plus grandes responsabilités aussi : cultiver l’émerveillement. Ceci est d’autant plus important que je me dois de le transmettre à des enfants ayant parfois été très blessés. C’est en ce sens que nous sommes plus que des professeurs au Cours Clovis. Nous assumons également un rôle d’éducateur auprès des élèves qui nous sont confiés. Notre façon de faire, notre exemple, les instruit tout autant que les connaissances que nous leur transmettons.
Comment s’exprime au quotidien votre mission d’éducateur auprès de si jeunes enfants ?
La dimension éducative intervient à chaque instant dans la vie d’une classe. Cela passe par des actions très concrètes : se laver les mains après être allé aux toilettes, prendre soin de son matériel, apprendre à aller jusqu’au bout d’un exercice, cultiver le goût de l’effort et de l’application, persévérer dans la difficulté. Tout ceci, c’est apprendre à grandir, à gérer une certaine forme de contrariété et à se gouverner soi-même. Je pense notamment à une petite fille en début d’année. Elle n’avait pas intégré qu’il fallait arriver à l’heure à l’école. Cela paraît tout bête, mais apprendre à honorer un rendez-vous, c’est une politesse qui s’apprend. Parfois aussi l’école ne fait pas sens pour les enfants, il s’agit alors d’être délicat et patient pour éveiller l’enfant au bien qu’il peut retirer de l’école en faisant grandir son intelligence et en développant ses talents.
“Ma plus grande satisfaction ? Quand un enfant me dit la vérité”.
Quel projet un peu original avez-vous mené récemment avec vos élèves ?
L’exposé. J’ai remarqué que les élèves de l’école sont très sensibles à leur environnement. Ils aiment la nature, ils aiment bricoler, ils n’ont pas peur de se salir. Ils sont même heureux, quand il pleut lors des récréations ! J’ai voulu valoriser leur goût de la nature et leur curiosité. Je leur ai proposé de préparer un exposé sur l’animal de leur choix. Tous les élèves ont joué le jeu. Certains se sont même amusé à imiter ce qui se fait en classe, avec un petit test pour voir si tout le monde avait bien suivi la leçon, y compris la maîtresse ! J’étais contente de voir les enfants intéressés par ce qu’ils avaient fait. Ce travail a été l’occasion de valoriser la prise de parole de chacun en sortant chaque enfant du groupe classe, pour lui permettre de se déployer. Ce fut un vrai succès ! Ils ont tous envie de recommencer l’expérience.
Quelle est votre plus grande satisfaction ?
Cela peut paraître un peu étonnant, mais ma plus grande satisfaction, n’est pas quand un élève me récite par cœur sa leçon. Ça me fait plaisir, je me réjouis avec lui de ce qu’il sait. Mais ma plus grande satisfaction, c’est quand un enfant me dit la vérité. Oser dire la vérité, c’est tellement fort ! Ça demande parfois beaucoup de courage pour un enfant. Pour moi, dire la vérité, c’est le signe de la confiance. Confiance en soi pour assumer la vérité, la préférer à la fuite ou la dissimulation. Et confiance dans l’adulte, pour être en mesure d’entendre cette vérité et d’agir avec justice. Je suis particulièrement fière quand un enfant dit la vérité, car cela nous honore tous les deux.
Quel type de remédiation avez-vous été amenée à faire auprès de vos élèves ?
En classe, j’ai souvent eu des élèves avec des niveaux de lecture très hétérogènes, impliquant des temps de remédiation individualisés. J’ai eu un élève TDA (trouble déficit de l’attention) pour lequel il faut un suivi particulier avec des temps de remédiation bien spécifiques à son profil. Une élève de CE1 l’an dernier faisait des ateliers de lecture en CP, notamment avec la méthode Jean qui rit, dans le concret, avec des histoires et des chansons, pour retrouver un niveau de lecture satisfaisant pour faciliter ses apprentissages au quotidien.
Enfin, pour illustrer l’un des défis majeurs de l’école qu’est l’atteinte de l’excellence par ses élèves, je suis toujours très heureuse de voir que les enfants ramènent d’autres amis dans l’école, qu’ils réussissent leurs évaluations, de voir aussi qu’ils évoluent dans des classes supérieures, que leurs frères et sœurs arrivent dans l’école, c’est le signe que cela fonctionne.
Être institutrice, l’exigence au quotidien
Travailler dans l’établissement pilote du Réseau Excellence Ruralités a-t-il des conséquences concrètes dans la façon d’exercer votre métier ?
Oui et non. Si le côté pilote n’est pas significatif dans l’engagement, le fait de participer à une “école pilote” engage, car l’établissement se doit d’être un exemple, de présenter des bilans intéressants pour permettre le développement d’autres écoles. Mais dans l’exercice quotidien de mon métier d’institutrice, l’exigence reste la même, celle de continuer de se former pour améliorer ses pratiques, savoir se remettre en questions, explorer ce qui marche et ce qui ne marche pas, se mettre à niveau. Pour ma part, j’ai décidé de me former de façon approfondie à la méthode de Singapour pour l’apprentissage des mathématiques, ainsi qu’à la méthode NUYTS. Mais ce souci de la formation est dans l’ADN de l’école. Il est le gage d’offrir le meilleur à ceux qui en ont le plus besoin.
Quel est selon vous le défi éducatif propre aux enfants de ce territoire ?
Apprendre aux enfants à se projeter dans l’avenir !