Alors que « la viabilité économique des écoles rurales se pose », selon Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école, « il faut inventer un autre modèle » scolaire, explique-t-elle dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Faudra-t-il organiser un grand débat national sur le devenir de l’école rurale ? Il ne suffirait en tout cas pas à épuiser la question, tant l’école à la campagne, ou de la « France périphérique », est plus que le lieu où les enfants reçoivent la connaissance. L’école, c’est le cœur battant d’un territoire, là où se nouent des liens sociaux qui rendent la vie humaine. Si aucune école ne pourra désormais fermer sans l’accord exprès des édiles locaux – et c’est un progrès qu’il convient de saluer –, il n’en reste pas moins que la question de la viabilité économique des écoles rurales se pose, cruellement, en ces temps de disette budgétaire.
Chacun pressent qu’une école n’est pas un service comme un autre. C’est la composante centrale et première d’un écosystème social. Bien souvent, l’école fait office de point d’ancrage de la vie économique et culturelle locale. C’est encore le cas, quand l’école communale devient le cœur battant d’une intercommunalité et qu’elle se mue en forteresse politique à défendre et à protéger contre les velléités de regroupement de classes ou d’établissements. C’est cette fonction sociale de l’école que l’administration néglige, non par volonté de mal faire, mais parce qu’elle n’est pas sur le terrain pour mesurer l’ensemble des effets des fermetures de classes comme des fermetures d’école.
Que l’école ferme, le village meurt et le lien social se défait. Les jeunes familles déménagent et l’activité économique et culturelle suit fatalement le même chemin. Mort des territoires. Son maintien est donc une nécessité pour l’aménagement du territoire.
« Inventer un autre modèle »
Sans doute n’est-il pas possible d’avoir 36 000 écoles comme on a 36 000 communes, mais on doit voir leur implantation comme une nécessité politique pour permettre à la population qui veut vivre hors des agglomérations de le faire, pour le bien de l’ensemble de la population attachée à la vitalité de son territoire.
On ne peut donc pas aborder la question de l’école rurale principalement sous l’angle budgétaire, en « rationalisant » la carte scolaire, pudique expression pour désigner les fermetures et les regroupements d’écoles conduisant à l’explosion du temps de transport scolaire et à la création d’établissements sans âme.
Pour autant, s’il faut maintenir dans le plus de communes possible la continuité du service scolaire, l’expérience montre que c’est bien difficile que cela passe par le maintien d’une offre scolaire publique classique. Il faut inventer un autre modèle. Les écoles indépendantes peuvent-elles sauver l’école rurale ?
Source : Anne Coffinier – lemonde.fr, “« Les écoles indépendantes peuvent-elles sauver l’école rurale ? »”, publié le 25/06/2019, https://www.lemonde.fr/education/article/2019/06/25/les-ecoles-independantes-peuvent-elles-sauver-l-ecole-rurale_5481041_1473685.html