Sept ans après le lancement de son établissement pilote dans l’Aisne, Excellence Ruralités publie son premier rapport d’impact, en partenariat avec le cabinet Tenzing. Elle présente les résultats d’une expérimentation éducative réussie, avec des chiffres en performance scolaire très encourageants pour un département qui enregistre le plus fort taux de décrochage scolaire en France métropolitaine.
” Par nature notre école-pilote a vocation à rendre compte de ses résultats. C’est le sens de ce rapport d’impact. Il s’adresse d’abord à toutes les personnes qui sont mobilisées dans ce projet : nos mécènes, nos professeurs, les parents de nos élèves. L’objectif est de leur donner à voir, de manière très transparente, ce à quoi ils contribuent. D’autre part, ce rapport est aussi une exigence vis-à-vis de nous-mêmes, il s’agit de nous mettre dans une dynamique de responsabilité vis-à-vis de nos résultats pour ajuster chaque année ce qui doit l’être en vue de l’excellence que nous visons.”
Jean-Baptiste Nouailhac,
cofondateur et délégué général
d’Excellence Ruralités
Rapport d’impact 2023 : les chiffres clés
Un rattrapage de deux ans en fluence
En classe de 6e, alors que 88% des élèves arrivent avec un niveau en fluence de lecture inférieur ou égal à celui d’un élève de CM1, 63% finissent l’année avec le niveau demandé en 6e, soit un rattrapage de deux ans.
Des résultats au brevet des collèges qui font mentir la sociologie.
Alors que l’Indice de Position Sociale (IPS) des élèves de 3ème de l’établissement-pilote les situe parmi les 11% les plus défavorisés, ils obtiennent aux épreuves écrites du brevet, des notes qui correspondent à celles des 3% les plus privilégiés
Un accrochage scolaire réussi pour 91% de nos anciens élèves
91% des anciens élèves poursuivent leurs études après la 3e et sont aujourd’hui insérés, en formation ou en emploi. A titre de comparaison, le taux de NEET (jeunes non insérés) dans le territoire est de 32%.
Parmi les anciens ayant poursuivi leurs études au-delà du collège, près d’un sur deux (48%) étaient engagés dans la filière Professionnelle. C’est deux fois plus que la moyenne des REP de 25% mais cohérent avec la moyenne en Picardie (40%)
Des résultats encourageants qui, selon Arnaud Regnier, associé fondateur de Tenzing, illustrent un progrès significatif vers l’accès équitable à une éducation de qualité et une réussite scolaire pour tous, participant à une dynamique qui tend à réduire les disparités régionales.
« Chaque progrès rapporté est un témoignage de la possibilité réelle de changement, de l’impact d’un environnement d’apprentissage adapté, et de l’importance d’aborder les défis spécifiques rencontrés par les jeunes dans les territoires ruraux défavorisés. En ce sens, Excellence Ruralités s’impose comme un acteur déterminant de l’égalité des chances pour les jeunes qui concentrent le plus les inégalités en France : ceux issus des territoires ruraux les plus défavorisés. »
Arnaud Régnier
Associé fondateur de Tenzing
A l’occasion de la sortie de ce rapport d’impact, Excellence Ruralités avait organisé un événement à L’Ascenseur, à Paris, mercredi 17 janvier, réunissant plusieurs experts dans le domaine de l’égalité des chances éducatives, avec le directeur de l’établissement pilote et une maman dont les enfants sont scolarisés au Cours Clovis.
TABLE RONDE :
Tenir la promesse de l’école dans les territoires ruraux défavorisés
Comment tenir la promesse de l’école dans les territoires ruraux défavorisés, tel était le thème de la table ronde qui a suivi cette présentation du rapport. Pour Jules Donzelot, chercheur en éducation et directeur scientifique de l’association JobIRL où il assure, entre autres, l’évaluation d’impact des programmes d’aide à l’orientation des jeunes défavorisés
« Les politiques éducatives et la sociologie de l’éducation ont longtemps sous-estimé l’importance des aspirations des élèves dans la compréhension des inégalités socio-scolaires. Un récent sondage réalisé par l’institut ViaVoice à la demande de six associations d’égalité des chances révèle l’ampleur du « fossé aspirationnel » qui sépare les jeunes de 15-16ans en fonction de leur origine sociale et de leur territoire. On y découvre surtout que les jeunes socialement défavorisés qui vivent dans les territoires ruraux subissent un décrochage aspirationnel beaucoup plus important que les jeunes défavorisés des grandes villes. Les données de ce rapport d’impact mettent en évidence l’importance de proposer aux jeunes ruraux défavorisés des parcours éducatifs renforcés et personnalisés comme le fait d’Excellence Ruralités. D’y intégrer, aussi, des actions dédiées à l’élévation et à la diversification des aspirations académiques et professionnelles des élèves. »
Jules Donzelot
Sociologue, chercheur en éducation
directeur scientifique de JobIRL
Cette préoccupation d’aider les jeunes ruraux à retrouver du sens dans leur parcours scolaire pour s’accrocher à l’école, Pierre-François Chanu la porte tous les jours, en tant que directeur de l’établissement pilote. En poste depuis 5 ans, il a participé à développer le projet pédagogique de l’établissement pour l’adapter aux besoins spécifiques de ses élèves.
« Pour offrir à nos élèves un environnement propice aux apprentissages, nous travaillons à leur assurer un cadre scolaire apaisé. Pour ce faire, les enseignants sont à la fois professeurs ET éducateurs. A ce titre, il passent des moments hors classe avec les élèves (au déjeuner, à la récréation…). Une des priorités des professeurs-éducateurs est de créer une relation de confiance avec les jeunes pour les accompagner au mieux dans leur progression scolaire mais aussi dans leur réflexion sur leur orientation et leurs aspirations personnelles et professionnelles. Le travail autour de l’orientation en fin de 3e est clé pour accrocher nos élèves à la poursuite de leurs études vers une formation diplômante et leur assurer les moyens de leur réussite. Nous avons développé un module d’accompagnement spécifique des jeunes tout au long de leur année de 3e , couplé à un temps de travail aussi avec les familles sur l’orientation. Cette question peut être parfois taboue pour les parents qui se trouvent eux-mêmes en difficulté sur ce sujet. Il convient alors d’aider chacun à se poser les bonnes questions pour que le jeune réussisse à faire un choix, libre et conscient, qui l’engagera pour sa vie d’adulte. »
Pierre-François Chanu
Directeur de l’établissement pilote
Pour le professeur à l’université de Lausanne, Bruno Suchaut, s’il n’y a pas de déterminismes sociaux, des facteurs sociaux expliquent néanmoins la situation dans laquelle se trouvent certains territoires ruraux et notre système scolaire doit se donner les moyens de mieux les prendre en compte pour lever ces barrières géographiques, sociales et scolaires qui touchent les jeunes des territoires ruraux.
« Notre système scolaire est caractérisé par de fortes disparités entre les territoires et selon l’origine sociale des élèves. Il revient donc à la politique éducative de réguler au mieux le système en faisant des choix pertinents conduisant à davantage d’équité et permettant aux élèves les plus fragiles de surmonter leurs difficultés avant qu’elles ne s’installent durablement. Cela passe par des politiques ciblées sur les facteurs clés de l’efficacité pédagogique mis en évidence par la recherche empirique en éducation. Le leadership du chef d’établissement, l’enseignement structuré et explicite, la rationalisation du temps d’apprentissage, la fréquence et la qualité des interactions entre l’enseignant et ses élèves sont de bonnes illustrations des leviers à mobiliser pour agir efficacement. »
Bruno Suchaut
professeur à l’université de Lausanne
chercheur en éducation
Au-delà des évaluations scolaires des élèves, le rapport met lumière tout l’enjeu de l’école aujourd’hui, qui n’est pas de former uniquement des cerveaux mais bien les intelligences créatives qui feront les adultes de demain et participeront à la redynamisation des territoires ruraux. C’est sur ce sujet qu’Elodie Baussand, associée fondatrice de Tenzing, est revenue en conclusion de cet événement, invitant aussi l’ensemble des acteurs de la société civile à prendre leurs responsabilités pour agir en faveur de l’égalité des chances et de la réussite de tous, notamment des plus défavorisés.
« Les résultats de l’établissement pilote sont très encourageants et attestent que des solutions existent pour remédier aux inégalités sociales à l’école si elles sont mises en œuvre de manière simultanée. Accrocher les enfants et les parents à l’école est un moyen puissant pour assurer la cohésion sociale. Et c’est là que nous pouvons interroger nos responsabilités respectives en nos qualités de mécènes et d’employeurs notamment : aller dans ces territoires, s’y investir et y investir du temps et des moyens et de porter un autre regard sur ces habitants et leur trajectoire »
Elodie Baussand
Associée fondatrice de Tenzing