Mesurer l’impact de notre action auprès de nos élèves, de leurs parents et de leurs professeurs : la mission n’est pas aisée mais elle est primordiale. Pour cela, nous utilisons différentes méthodes de mesures afin de pouvoir comprendre les points sur lesquels progresser et ceux à conserver.
- Paul-François Croisille, en tant que directeur du développement d’Excellence Ruralités, vous êtes chargé – entre autres – de mesurer l’impact scolaire, social et humain de nos écoles. Depuis combien de temps pouvons-nous le faire ?
Depuis toujours, nous avons le souci de mesurer nos résultats, car nous voulons nos établissements libres de leurs moyens et comptables de leurs résultats. Pouvoir mesurer précisément notre impact est un outil très précieux pour toutes les équipes, et notamment pour les enseignants. C’est un vrai facteur de motivation lorsqu’ils sont bons, et lorsqu’ils ne sont pas au niveau attendu, c’est un facteur de progrès qui permet de mobiliser l’équipe pédagogique sur l’amélioration nécessaire. C’est aussi un outil de transparence auprès des différentes parties prenantes de notre action : familles, donateurs et pouvoirs publics.
Nous avons pu mettre en place de vraies mesures à partir de 2022, car c’est à partir de ce moment que nous avions le recul nécessaire. Nous avons mesuré la performance scolaire et l’accrochage scolaire au Cours Clovis, ouvert depuis 5 ans, et le climat scolaire dans nos deux écoles, puisque le Cours Aliénor venait d’ouvrir ses portes.
- Comment procédons-nous ? Quels sont nos outils de mesure ?
La performance scolaire est évaluée à travers trois éléments : les évaluations de début d’année de l’Education Nationale, des tests de fluence (un mot savant pour “rapidité de lecture”, qui est un bon baromètre du niveau scolaire) et les résultats du brevet en fin de 3e.
Les évaluations nationales étaient disponibles en 2022 uniquement pour les classes de CP, CE1 et CM1. Elles le sont aujourd’hui pour toutes les classes. Nous pouvons ainsi comparer les résultats de nos élèves avec des groupes témoins (les élèves des mêmes classes sur toute la France, ou dans les zones d’Education Prioritaire par exemple) aussi bien à leur arrivée qu’après plusieurs années au Cours Clovis.
Depuis cette année, les évaluations nationales sont disponibles pour toutes les classes du CP à la 3e, et intègrent un test de fluence.
Enfin, pour le climat scolaire, nous menons des enquêtes par questionnaire auprès des professeurs, des parents et des élèves. Les questions, autant que faire se peut, reprennent celles d’enquêtes menées par l’Education Nationale, afin d’avoir des points de comparaison pour leurs retours.
Première mesures à l’entrée en sixième
- Y a-t-il un chiffre véritablement marquant concernant l’impact d’Excellence Ruralités ? Qui représente bien l’action de l’asso ?
Je donnerai trois chiffres marquants.
Au primaire tout d’abord. Nous avons pu, pour la première fois, mesurer cette année le niveau des élèves qui arrivaient en sixième au Cours Clovis après avoir effectué leur primaire chez nous. Ces élèves sont issus des 5% des familles les plus modestes en terme de capital culturel. De plus, un élève sur deux a des besoins particuliers (que ce soit des difficultés diagnostiquées d’apprentissage ou un environnement familial ou social compliqué). Malgré ces difficultés majeures, ces enfants ont des résultats comparables à la moyenne nationale, que ce soit en français, en fluence ou en mathématiques. C’est remarquable et un véritable hommage au travail des professeurs sur le terrain !
Au collège ensuite. Le deuxième chiffre concerne les chiffres du brevet, à la fin de la 3e : nos élèves, qui appartiennent aux 10% les plus défavorisés, obtiennent à cette épreuve les mêmes notes à l’écrit que les 10% d’élèves les plus favorisés. Dit autrement, alors qu’ils devraient avoir une moyenne de 8,6/20, ils décrochent un 11,7/20. Cette différence de trois points est énorme. Ici en particulier, elle fait la différence entre avoir ou pas le diplôme, entre l’échec et la réussite.
Enfin, un chiffre concernant nos anciens élèves. Ils ont quatre fois moins de chance de ne pas s’insérer que leurs camarades locaux : à La Fère, 32% des jeunes ne sont pas insérés (ni en formation, ni en emploi). Parmi nos anciens, ce chiffre n’est que de 8%, plus faible que la moyenne nationale.
Trois chiffres dont nous sommes fiers, et qui récompensent le travail qu’accomplissent chaque jour nos enseignants et leurs directeurs pour faire grandir les talents des jeunes qui leur sont confiés.
“Des choix pédagogiques qui comptent et qui donnent de meilleurs résultats”
- Que nous disent ces chiffres ?
Ces chiffres nous disent aussi qu’il n’y a pas de fatalité, qu’on peut faire mentir la sociologie et qu’on peut tenir la promesse de l’école : donner à chaque enfant les moyens de découvrir et de développer ses talents, d’accéder au savoir et à la culture, de construire son avenir et de devenir un adulte libre et responsable, qui contribuera demain à la société.
Cela nous dit aussi que les choix pédagogiques comptent et que certains donnent de meilleurs résultats : intégrer la dimension éducative dans la mission, la confier aux enseignants qui deviennent des professeurs-éducateurs, travailler main dans la main avec les familles, organiser dans l’établissement un cadre apaisé, tous ces éléments contribuent à développer l’engagement des élèves dans leurs études. De quoi démultiplier notre volonté de voir déployés ces choix dans d’autres établissements, pour les offrir à davantage d’élèves et de familles.
- Y a-t-il des effets que l’on ne peut pas mesurer, mais que l’on peut constater sur le terrain ?
C’est difficile de mesurer la confiance, mais je pense que c’est une dimension clé de notre impact : la confiance en eux, grandie, de nos élèves, et la confiance qu’ils ont construit avec leurs professeurs, condition de l’apprentissage et de l’éducation.
Dans un autre ordre d’idée, la mère d’un de nos élèves, diagnostiqué autiste à la veille de sa rentrée en 6e chez nous, nous a confié que pour la première fois, son fils avait pu inviter des amis à son anniversaire…
Quelques exemples de ce qui compte vraiment dans ce qui se vit dans nos établissements, sans mesure.