Depuis la rentrée 2024, c’est près de 50 000 collégiens, de 200 établissements différents qui expérimentent la « pause numérique » ; une mesure qui devrait être élargie à l’ensemble des collégiens dès la rentrée 2025.
Une étude de l’OCDE de 2022 souligne que 58 % des élèves français se disent distraits par les appareils numériques en classe. Ces données préoccupantes montrent bien l’ampleur du problème de l’utilisation des smartphones à l’école ; problème qui a été pris en compte par la Ministre de l’Education nationale, Elisabeth Borne, qui a décidé de généraliser la “pause numérique” (interdiction de l’utilisation de téléphones dans l’enceinte scolaire) à tous les collèges du pays. Cette mesure avait déjà été mise en place dans près de 200 collèges dès la rentrée 2024, concernant 50 000 élèves.
La pause numérique, une mesure de bon sens
De nombreuses recherches ont été menées sur le sujet : smartphones, télévisions ou encore tablettes sont des freins au bon développement du cerveau des enfants et des adolescents. L’association e-enfance met en lumière dans son étude les effets néfastes de la surexposition aux écrans : troubles du sommeil, du comportement, problèmes de concentration, de mémorisation, voire même des conséquences physiques (migraines, surpoids, fatigue oculaire…).
L’école ne peut pas contrôler ce que fait l’enfant chez lui, mais il est indispensable qu’elle garde le contrôle au sein des établissements scolaires. L’adolescent français passe déjà trop de temps sur les écrans (3h45 en moyenne par jour chez les 12-17 ans d’après l’Arcom). Ce temps n’est alors pas utilisé pour la lecture, le sport, la socialisation ou la pratique d’une activité ludique (peinture, dessin, musique…). La pause numérique devient alors un moment de répit pour l’adolescent, qui peut profiter d’une journée de classe sans être sur-sollicité par les écrans.
La surexposition aux écrans et à internet : des dangers pour les jeunes
Les dangers sur Internet sont nombreux pour les jeunes : risques d’addiction, exposition à la pornographie, aux jeux d’argent, à des contenus violents, au cyberharcèlement, sans prendre en compte les risques de mauvaises rencontres en ligne.
Le véritable danger ce ne sont pas les outils comme Wikipédia ou l’accès aux livres électroniques par exemple, c’est le contenu hyper-stimulant aujourd’hui généralisé par les réseaux sociaux. Dans son livre Irresistible: The Rise of Addictive Technology and the Business of Keeping Us Hooked (2017), le psychologue Adam Alter expose les mécaniques utilisées par les réseaux sociaux pour les rendre addictifs, les comparant à celles des jeux de hasard. Les couleurs vives, le système de récompenses variables, le « scroll infini » ou encore les notifications visuelles et sonores, sont autant d’éléments activant la « boucle dopaminergique », en clair le mécanisme qui pousse notre cerveau à chercher les plaisirs faciles et immédiats.
L’expérience Excellence Ruralités
Dès sa création, la pédagogie Excellence Ruralités a toujours été claire sur ce sujet : pas de numérique à l’école. Les résultats sont sans appel, les professeurs le constatent chaque jour : des élèves plus souriants, plus sociables, qui profitent ensemble des moments de pause de la journée, somme toute des enfants et adolescents qui vivent pleinement leurs journées. Sur le plan scolaire, les enseignants remarquent unanimement les effets positifs de cette pause numérique : des élèves plus attentifs et une meilleure capacité de mémorisation.
En février, nous avons décidé de pousser le défi plus loin. Au Cours Clovis, nous avons proposé aux élèves de laisser leur téléphone à l’école en fin de journée pour ne le récupérer que le lendemain soir, moyennant un petit déjeuner récompense le lendemain. 11 élèves ont accepté de jouer le jeu, d’autres ont décidé de supprimer du temps d’écran. Cette expérience a été grandement appréciée, et nous prouve que même les jeunes plébiscitent une diminution du temps d’écran. La clef de la réussite est finalement assez simple : proposer des alternatives. Comment reprocher aux adolescents, qui baignent dans le numérique depuis leur naissance, de passer trop de temps sur les écrans ? La pédagogie d’Excellence Ruralités ne s’est pas bâtie contre le numérique, car nous savons que les jeunes doivent être préparés au monde de demain dans lequel ils en auront un usage quotidien. Il s’agit plutôt d’en proposer un usage formateur et raisonné, qui libère du temps pour la découverte.
La pratique de nouvelles activités, par des ateliers ou le sport par exemple, permet au jeune d’élargir ses horizons et d’apprendre qu’une heure à scroller sur les réseaux sociaux peut-être remplacée par une heure de randonnée, de peinture, de cuisine ou même de couture.
L’adoption de la pause numérique est donc la première pierre d’un édifice plus vaste, celui qui vise à prémunir la jeunesse d’une addiction généralisée au numérique. La pause numérique pourrait être étendue aux lycées par exemple. C’est aussi un sujet qui devrait nous pousser, nous adultes, à la remise en question. Passons-nous nous aussi trop de temps sur les écrans ? Quel exemple montrons-nous, en tant que parents ou éducateurs, aux plus jeunes ? Transmettons-nous suffisamment nos passions et nos centres d’intérêt ?