Le Cours Vauban est né d’un constat : en souffrance dans le système classique, beaucoup d’élèves recherchent un cadre plus porteur. Future directrice du Cours Vauban, Marie de Seroux porte depuis deux ans le projet de l’ouverture de l’établissement, avec Métheline Roche. Entourées d’une équipe soudée, les deux femmes ont pu mettre sur pied ce projet exigeant, qui leur tient particulièrement à cœur.
- Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis ingénieure chimiste, agrégée de sciences physiques. J’enseigne depuis 21 ans. Ma carrière a débuté en région parisienne, avant que je ne m’implante en Bourgogne, il y a 10 ans. J’ai travaillé dans différents établissements, à Nevers d’abord, puis à Autun où je suis aujourd’hui adjointe de direction dans un collège.
“Les jeunes réclamaient d’eux-mêmes un cadre qu’ils ne trouvaient pas dans le système classique”
- À la rentrée 2025, vous serez la directrice du Cours Vauban, dont vous avez porté le projet pendant deux ans avec Métheline Roche. Pourquoi et comment vous êtes-vous lancées dans cette aventure ?
Ce qui nous a motivées, c’est le constat que l’on faisait auprès des jeunes que l’on rencontrait en Bourgogne : un niveau scolaire assez bas, plus faible que ce que nous avions pu observer en région parisienne par exemple. D’office, ces jeunes partaient avec un handicap. Certains réclamaient eux-mêmes un cadre qui n’était pas proposé au collège où ils se sentaient parfois livrés à eux-mêmes. De plus, les élèves qui rencontrent de grosses difficultés scolaires n’ont aucune alternative sur le secteur : dès qu’il faut trouver autre chose, c’est tout de suite des heures de trajets, des kilomètres à n’en plus finir… Pour nous, la grosse ville c’est Nevers, à 70 km. Ou Autun, plus proche, mais qui est dans le département voisin : il n’y a pas de transport scolaire pour passer d’un département à l’autre ! Pour ceux qui veulent aller au collège là-bas, c’est tout de suite 40 minutes de trajet.
On a donc décidé de créer une structure scolaire car on voyait que quelque chose manquait. Mais on ne savait pas comment s’y prendre. Et le jour où on a découvert Excellence Ruralités, on s’est dit : “ils font exactement ce que l’on cherche à mettre en place, c’est vraiment ça dont on a besoin !” On est passées du rêve au projet. On a réalisé que c’était possible.
- Comment avez-vous connu Excellence Ruralités, qu’avez-vous apprécié dans ce modèle ?
Nous avons découvert la fondation dans un article de presse. Ce qui nous a convaincues, c’est surtout la pédagogie, qui correspond exactement aux défis de notre territoire. Il y a un modèle qui permet de développer un collège associatif avec des coûts abordables pour les familles.
Nous avons été touchées par cette vision, qui dit que l’on peut croire en l’exigence même dans les campagnes. Nous ne sommes pas obligés d’avoir des objectifs à la baisse. Il y a une exigence qui permet à chacun de donner le meilleur de soi-même. Il y a de vraies forces vives dans nos territoires, qui méritent des outils pédagogiques aussi performants que les autres.
Beaucoup de familles à la recherche d’une pédagogie plus adaptée à leur enfant
- Vous avez rencontré de nombreux parents du territoire. Qu’est ce qu’ils vous disent ? Quels sont leurs besoins, leurs défis face à l’éducation de leurs enfants ?
Les parents et professionnels de santé du territoire accueillent le projet avec bienveillance, voire avec soulagement pour certains. J’entends beaucoup de familles à la recherche d’un cadre plus porteur et une pédagogie plus adaptée pour leurs enfants, qui n’arrivent pas à apprivoiser la grande liberté que leur donnent les établissements classiques. Beaucoup de collégiens ont besoin qu’on leur apporte des méthodes de travail, qu’on leur offre des temps d’étude de qualité, qu’on les aide à normaliser leurs interactions sociales.
Les familles déplorent le non remplacement des enseignants quand il y a des voyages scolaires, des formations, etc. De plus, la multiplication des “plans” (plan contre le harcèlement, plan d’éducation à la sexualité, plan pour favoriser l’orientation…) mange également beaucoup d’heures de cours. Même si ces sensibilisations sont importantes, elles prennent de plus en plus de place, ce que les parents regrettent.
Parallèlement, les familles de bons élèves se demandent si leurs enfants seront au niveau pour intégrer un lycée exigeant à Paris ou à Lyon.
- Depuis deux ans, avec Métheline, vous portez ce projet. Quelles ont été les grandes étapes ?
Le premier défi, c’est d’objectiver les besoins réels : ce n’est pas parce que l’on a croisé trois élèves en difficulté que c’est une généralité. Il faut trouver des chiffres et analyser le territoire. Nous avons également dû monter une équipe de bénévoles, qui travaillent avec nous depuis deux ans pour ouvrir cette école. Ensuite – et c’est l’étape qui prend le plus de temps – la recherche des locaux. Il faut trouver un endroit suffisamment vaste et adapté pour accueillir les élèves, mais abordable financièrement. C’est une quête vraiment difficile de trouver la perle rare, mais qu’à cela ne tienne, nous avons finalement réussi, sous une forme que l’on attendait pas : un terrain à bâtir, dans lequel nous allons installer des constructions modulaires !
Ensuite, nous avons dû nous faire connaître auprès des institutions et élus locaux, et surtout, faire comprendre notre projet, ce qu’il peut apporter en termes de complémentarité avec les autres établissements du territoire.
Enfin, se faire connaître, bien sûr, des familles de la région.
Un projet pensé en local pour les jeunes du territoire
- Comment avez-vous été accompagnés, vous et votre équipe, par Excellence Ruralités ?
Paul-François Croisille, le directeur du développement, nous a accompagnés pendant deux ans de très près. Il nous a conseillés, aidés. Il a l’expérience, donc on sait où l’on va. Ce qui est vraiment appréciable, c’est qu’il nous donne des orientations et nous laisse libre de développer le projet comme on l’entend et comme on le pense pour notre territoire en particulier. C’est vraiment notre équipe locale, qui est à l’initiative de ce projet, et qui l’imagine en fonction des besoins locaux. Et en même temps, on a accès à toute l’expertise du réseau en termes de levée de fonds, développement, relations presse, communication etc. Il serait impossible de monter un tel projet en si peu de temps sans le réseau.
- Le Cours Vauban de vos rêves, il ressemble à quoi ?
Dans mes rêves, c’est un collège dans lequel les enfants sont heureux de venir, dans lequel les parents se sentent impliqués dans une communauté. Un collège dans lequel les talents différents de nos élèves sont mis en valeur avec une reconnaissance par le tissu professionnel local. J’aimerais tisser des partenariats avec des entreprises pour que les élèves puissent découvrir des métiers dans tous les domaines. Un endroit dans lequel chaque élève se sente reconnu pour ce qu’il est. J’imagine un lieu avec des professeurs qui collaborent et échangent entre eux pour faire grandir leurs élèves dans tous les domaines. J’espère qu’il y aura un vrai esprit d’équipe, que les professeurs seront heureux de voir que leur job n’est pas juste de transmettre des savoirs académiques mais une vraie mission d’éducation.
- Vous êtes en pleine phase de recrutement de votre équipe, quels postes de professeurs recherchez-vous encore ?
J’ai besoin d’un professeur d’histoire-géographie, de mathématiques et d’anglais. Des profils qui ont une vraie expérience d’éducation, qui ont côtoyé des jeunes et ont envie de faire grandir les élèves.