En 2025, Emmanuel Macron a lancé une Convention citoyenne sur l’enfance, avec pour ambition de repenser les politiques publiques en faveur des jeunes, et en particulier l’organisation de l’école. Parmi les sujets au cœur des débats : la question du temps scolaire, qui suscite depuis des années de vives critiques, tant du côté des enseignants que des élèves et des parents.
La France figure en effet parmi les pays européens où les journées scolaires sont les plus longues. Les collégiens et lycéens peuvent parfois cumuler jusqu’à 35 heures de cours par semaine. Ce modèle, avec des journées intenses et de longs temps de vacances, est assez unique et peu efficace à en croire les résultats de la France dans les classements internationaux concernant l’éducation. Face à ce constat, de plus en plus de voix s’élèvent pour plaider en faveur d’une réorganisation du temps scolaire, non pas en alourdissant la charge globale, mais en la répartissant plus harmonieusement. Une proposition revient régulièrement : réduire la durée des vacances afin d’alléger les journées d’apprentissage, pour mieux respecter les rythmes biologiques des élèves et lutter contre la déperdition des acquis durant la coupure estivale.
Le temps scolaire, une question scientifique
Les découvertes des dernières décennies dans les neurosciences et la psychologie cognitive ont constitué un apport précieux pour mieux comprendre les conditions optimales d’apprentissage, les enjeux de la concentration, de la mémoire et de la consolidation des
savoirs. La connaissance des caractéristiques du temps scolaire, durée des journées, fréquence des pauses et répartition des congés, renforce l’idée que l’organisation temporelle conditionne l’efficacité des apprentissages et le bien-être des élèves.
De nombreuses études (par exemple les travaux sur le développement de la mémoire de Pierre Barrouillet et Valérie Camos) ont montré que l’attention des enfants est limitée dans le temps et qu’elle fluctue au cours de la journée. Selon les chercheurs, la capacité de concentration décroît après environ 45 minutes chez les enfants de primaire, et les performances cognitives sont globalement meilleures le matin. Et cela, nous le constatons tous les jours dans les écoles Excellence Ruralités. Depuis sa création, notre pédagogie
appuie sur l’importance d’enseigner les matières fondamentales (notamment le français et les mathématiques) le matin. Nos enseignants sont formels : les élèves sont plus attentifs en début de journée, et plus aptes à apprendre et retenir. C’est pourquoi, l’après-midi, nous
favorisons les matières plus « simples » et les ateliers plus ludiques.
Un autre apport fondamental des sciences de l’éducation concerne le phénomène de « summer learning loss » ou « perte d’apprentissage estivale ». Ce concept, largement étudié dans le monde anglo-saxon, désigne la perte partielle des acquis scolaires durant les longues vacances d’été, surtout en mathématiques et en lecture. Le professeur Harris Cooper, pionnier dans ces recherches, conclut que les élèves peuvent perdre jusqu’à un mois d’apprentissage pendant les vacances d’été. Les acquis, notamment ceux qui n’étaient pas encore solides, s’affaiblissent ou disparaissent partiellement après de longues pauses sans apprentissage.
Quelles sont les autres modèles européens ?
L’Estonie est aujourd’hui le champion européen en matière de performance éducative selon la dernière étude PISA portant sur l’année 2024. Selon les résultats de l’enquête, les élèves estoniens se classent parmi les meilleurs mondiaux en lecture, mathématiques et sciences. Cette réussite repose en partie sur une organisation du temps scolaire particulièrement adaptée aux besoins des élèves. Les journées d’école y sont relativement courtes, généralement de 8h à 13h ou 14h. L’année scolaire est répartie différemment : les vacances
d’été durent 8 à 9 semaines. En contrepartie, les élèves bénéficient de plusieurs pauses plus courtes (environ une semaine) réparties tout au long de l’année. Cette approche permet d’éviter les longues périodes de décrochage scolaire tout en réduisant la fatigue accumulée.
Plus proche de chez nous, le système britannique est tout aussi bien classé par les études PISA. Ancré dans une tradition scolaire ancienne, il a su évoluer depuis les années 90 en intégrant notamment des réformes axées sur le bien-être et la régularité du calendrier scolaire. Au Royaume-Uni, les journées scolaires commencent généralement vers 8h45 et se terminent entre 15h et 15h30. Toutefois, cette amplitude horaire inclut une large pause déjeuner et des temps de détente (récréations encadrées), notamment dans les écoles primaires. L’approche éducative britannique en terme de calendrier scolaire est très intéressante, notamment sur les vacances d’été, qui durent environ 6 semaines (mi-juillet à début septembre), ce qui est plus court que dans la majorité des pays européens. Ce choix vise à limiter la « perte d’apprentissage estivale » (summer learning loss), que nous avons évoqué plus haut.
Alléger les journées scolaires en France en réduisant les vacances d’été pourrait être une piste de réforme pertinente. En s’inspirant des modèles nord-européens efficaces et soutenue par la recherche scientifique, cette mesure viserait à restaurer un meilleur équilibre entre apprentissage, repos et épanouissement personnel des élèves.