En 2023, les élèves estoniens caracolaient en tête du classement PISA : 3e place pour la huitième année consécutive. Depuis son indépendance en 1992, cet ex-pays soviétique s’est fait fort d’une politique éducative favorable à la ruralité et basée sur le bien-être, l’exigence et l’indépendance des écoles.
Quatrième place mondiale en mathématiques et en sciences, troisième place en compréhension de l’écrit en 2023 : depuis quelques années, l’Estonie produit les meilleures performances au classement PISA. Ce petit pays de 1,331 millions d’habitants a su hisser ses élèves aux plus hauts rangs en innovant dans un système éducatif original et régulièrement réformé.
Faire de la ruralité une force pour l’éducation des enfants
Alors qu’en France, de nouvelles fermetures de classes sont annoncées notamment dans les zones rurales, l’Estonie a décidé de miser sur ses écoles de campagne. Il est intéressant de voir comment, dans un État où plus de 30% de la population vit en milieu rural, les gouvernements successifs ont décidé de maintenir la possibilité des écoles en ruralité. Ainsi, les établissements, même avec de faibles effectifs restent ouverts et permettent aux enfants d’avoir une école à proximité. Et l’on ne parle pas ici d’écoles privées puisque l’Estonie en compte seulement 5%. Les écoles sont vues comme de véritables bouées de sauvetage qui permettent de redynamiser les zones rurales et jouent à ce titre un grand rôle dans les villages. Cette vision sur le long terme est précisément celle qui manque en France et va dans le sens de ce que nous mettons en place dans nos réseaux Excellence Ruralités : l’action que nous menons avec nos partenaires, en Charente et dans l’Aisne, prouve qu’en tissant des liens localement, une école peut contribuer à redynamiser un territoire.
Subsidiarité et décentralisation : les piliers d’un système qui réussit
Les établissements, même publics, jouissent d’une très grande autonomie. 70% de leurs décisions sont prises en interne. C’est le chef d’établissement qui recrute et choisit ses professeurs, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans le système français de l’Education Nationale. Du côté du programme, s’il est bien sûr commun, de nombreux aménagements sont mis en place, d’autant que les écoles bénéficient également d’une grande autonomie budgétaire. La principale vertu de ce système : cela permet aux établissements de construire une formation en fonction des spécificités de son territoire et ainsi de s’ancrer véritablement localement. Les écoles et les territoires se retrouvent renforcés de ces échanges mutuels : car les établissements eux-mêmes tirent leurs richesses éducatives des caractéristiques du lieu où elles sont implantées. Une interaction inspirante qui pourrait participer à la refondation de l’école dans nos territoires ruraux.
Un climat de confiance et d’exigence
Les écoles estoniennes ont également pris en compte la nécessité de créer les conditions d’un climat apaisé et bienveillant, pour les élèves comme pour les professeurs. Ainsi les élèves estoniens ont accès à des ateliers pendant leur semaine scolaire. Aux temps d’études sont ajoutés des temps de loisirs (atelier couture, bricolage, cuisine..), choisis par les élèves et auxquels les professeurs peuvent participer. Ces activités organisées au sein de l’école permettent de résorber les inégalités : tous les élèves ont accès à une possibilité d’épanouissement extra-scolaire sans que cela ne soit tributaire du revenu de leurs parents ou de leur contexte familial. Un constat qui confirme l’intuition d’Excellence Ruralités : le bien-être à l’école passe aussi par un accompagnement périscolaire qui doit aller plus loin que l’offre académique.
Cela pourtant n’élude pas l’exigence : les élèves sont soumis plusieurs fois par an à des tests nationaux et internationaux, qui sont au cœur du projet pédagogique de réussite. Enfin, l’éducation à la citoyenneté est renforcée, condition sine qua non pour cette jeune nation dont le système est encore en construction après des années dans l’URSS.
Tous ces facteurs (décentralisation, effectifs réduits, ateliers périscolaires au sein de l’école, éducation bienveillante mais exigeante), ont permis de faire de l’Estonie le pays de l’OCDE où le contexte socio-économique a le moins d’impact sur la réussite scolaire des élèves. Un modèle qui, à bien des égards, rejoint la proposition et le projet pédagogique qui nous développons dans les écoles du Réseau Excellence Ruralités, et nous encourage à persévérer dans ce sens.